DISCOURS – SPEECHS
ALEAS
DU GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE
DEVELOPPEMENT
INSTITUTE INTERNATIONAL
A.V. A. S.
Paris, la Défense, le 11 juin 1997
Conférence de M.
Philippe MARINI, Sénateur de l'Oise
auditorium de la Tour Elf le jeudi 22 mai 1997
En présence de M.
Philippe JAFFRE, Président d'Elf
Exposé introductif de M. Philippe JAFFRE Président d'Elf :
Je
remercie le Sénateur MARINI d'être présent parmi nous. Il est vrai qu'il n'est
pas en campagne électorale, son siège étant sinon assuré du moins pour quelques
années encore en sécurité.
Cela
dit, j'imagine bien que M. MARINI ne soit pas en campagne, que sa ville est en
campagne et qu'il est sûrement avec toute une série d'obligations. Aussi je le
remercie infiniment d'être venu à la Tour Elf nous parler de la "Réforme du Droit des Sociétés".
Bien
entendu je remercie également notre Association d'Actionnaires Salariés AVAS,
et M. MASSIE d'avoir songé à organiser ce colloque. Il y a un certain nombre de
personnes dans la salle que je salue ; nous avons aussi je crois quelques amis
journalistes qui ont sûrement été attirés par l'intérêt de l'exposé de M.
MARINI et non pas par les récentes actualités de la Tour Elf.
Le droit des Sociétés, le droit des
Actionnaires, j'aurais garde d'en parler trop savamment, parce que d'abord
ce n'est pas mon domaine, mais aussi je ne suis pas absolument sûr que le
Groupe Elf Aquitaine soit dans la moyenne des Sociétés Françaises. C'est
d'ailleurs un des points que je me permettrai de développer dans quelques
instants.
Cette
difficulté se pose probablement pour toute norme, pour tout droit, de devoir
simultanément traiter au moins dans ses principes, des fondements à la fois
d'une entreprise de 2000, 3000 personnes ayant ses activités essentielles en
France, et également de ceux d'un Groupe multinational.
Le Groupe Elf
Aquitaine, la 1ère entreprise française par sa capitalisation boursière, comporte 88 000 personnes environ dont la
moitié travaille en France, ce qui veut
dire que l'autre moitié travaille dans
le monde entier. Il comporte je crois près de 600 ou 700, (ça change tout le
temps à vrai dire) sociétés qui répondent chacune à des droits locaux
spécifiques; il doit appliquer des normes par exemple comptables ou juridiques
qui peuvent être différentes selon les pays.
Il
y a là je crois un réel problème. Ce problème est d'autant plus aigu, que notre
droit des sociétés devient un droit,
si je peux me le permettre, compétitif ou concurrentiel. Je m'explique :
Les
sociétés internationales comme Elf Aquitaine, - mais ceci serait vrai de toutes
sociétés internationales comme BP ou IBM, et des sociétés allemandes, - ont le
souci de développer dans un cadre mondial leurs activités ; elles doivent se
rattacher à des cadres juridiques, à des normes qui répondent à deux objectifs
naturellement contradictoires : Le problème du législateur et des juges est de
concilier ces deux objectifs.
Le
premier objectif est évidemment la souplesse, la créativité ; le monde évolue,
les besoins changent.
Est-ce
que telle ou telle forme de société, telle ou telle norme sera plus souple,
plus adaptée ? Vient évidemment la question suivante :
Qui
aura la charge de définir dans le cas précis d'un problème, si cette norme est
respectée ou n'est pas respectée ? ce qui signifie que cette compétition va porter sur "le droit des sociétés" ; elle va aussi porter sur le
fonctionnement du système judiciaire pénal, civil, d'arbitrage, susceptible
d'appliquer ces normes.
Est-ce
que les personnes et les juges qui auront à le faire seront ou non au fait de
la société, connaitront-ils les problèmes posés ?
Et
naturellement, nous sommes confrontés à un deuxième aspect qui est cette
fois-ci le moyen terme, ce n'est pas une perspective court terme, mais la
souplesse alliée à la stabilité qui feront que ces normes et ces droits
donneront des garanties très solides à tous ceux qui ont à faire à l'entreprise
ou à la société. Avoir des règles claires relativement rigides demandent des
garanties , c'est aussi un avantage compétitif.
Je comprends bien que dans
quelques pays, ne disposant d'aucun système juridique, d'aucun juge, la loi de
la jungle soit généralement la loi du plus fort bien entendu, puis cela
devient la loi des mafias, ensuite tôt
ou tard il se produit quelque chose.
Donc
nous avons intérêt à avoir des règles et des normes qui soient d'une relative
stabilité ; c'est contradictoire avec la souplesse que je citerais, donnant
aussi des garanties celapeut paraître également contradictoire avec les
intérêts à court terme de la société qui
doivent transparents.
Cela
est vrai pour une société comme Elf Aquitaine et me semble-t-il pour un nombre
de plus en plus grand plus de groupes français, puisque leur actionnariat,
leurs activités, leurs centres d'intérêt ont tendance à devenir européens, puis
mondiaux. La question est bien de savoir si le droit français des sociétés est un droit qui sur moyen terme
restera un droit bien adapté -
C'est
un énorme problème et les conséquences en sont naturellement assez
considérables en terme de matière grise, de valeur ajoutée et d'emploi.
Oh
! bien entendu les usines resteront dans les endroits dans lesquels les
conditions générales de la compétitivité sont établies ; là, ce n'est pas
franchement le droit des sociétés qui
est en cause, c'est le coût du travail, c'est le droit social. En revanche les sièges sociaux, qui
contiennent eux, beaucoup de matière grise, beaucoup de valeur ajoutée, auront
tôt ou tard tendance lentement bien entendu (il y a d'énormes viscosités dans
cette évolution) à tenir compte de la performance relative des droits, des
normes et de la qualité des gens qui sont susceptibles de les appliquer.
C'est
donc un vaste défi. Pour terminer cette trop longue introduction, (j'allais
dire trop brève), je me réjouis de retrouver mon ami Philppe MARINI, - nous nous connaissons depuis longtemps -
qui a choisi à la fois une carrière administrative et politique, et qui
a réussi dans les deux.
Je suis satisfait que le Sénat, Assemblée que
j'ai pratiquée dans la fonction publique, lorqu'il m'est arrivé de faire des
textes de lois et de toucher au droit
des sociétés, ait montré une rigueur, une inventivité, une qualité de
travail, assez supérieure en règle générale à celle de l'Assemblée Nationale
pour des raisons d'organisation générale.
Et
bien, je suis heureux que Philippe MARINI ait pris en main cette évolution du droit des sociétés . Je ne suis pas en
accord bien entendu avec toutes ses idées, on ne pourrait pas l'être, mais j'en
partage beaucoup.
Je
lui souhaite d'être le digne successeur du Président DAILLY qui pendant longtemps
a été un des principaux artisans de l'évolution de notre droit. Je me réjouis
plus particulièrement que ce soit quelqu'un d'aussi jeune au moins parmi les
sénateurs parce qu'il aura pour lui la durée, la continuité, et que ce soit un esprit ouvert, moderne, au
fait des réalités internationales. Alors je suis sûr qu'on aura beaucoup
d'intérêt et de plaisir à écouter l'exposé de ses idées.
Merci
Monsieur le Sénateur, merci Philippe.
J. A. MASSIE Président
d'AVAS :
-"
La parole est à Monsieur le Sénateur. Je rappelle que Monsieur le Sénateur
MARINI fut collègue de l'Inspection des Finances de Monsieur le Président
Philippe JAFFRE. Vous êtes tous les deux
de la promotion 19 "
Allocution de Monsieur le Sénateur Philippe
MARINI
Comme
nul n'est parfait, il y a effectivement quelques indications que l'on assume
dans un curriculum vitae, mais c'est tout, parce qu'il faut naturellement être
extrêmement prudent avec le passage par les grandes écoles ou les grands corps.
Mais
refermons si vous le voulez bien cette parenthèse. Je voudrais dire tout
d'abord que je me réjouis bien sûr de passer ces quelques moments avec vous,
et, comme y a fait allusion votre Président si mon mandat de parlementaire
n'est pas directement en jeu, je consacre un peu de temps comme vous l'imaginez
à quelques réunions ici ou là dans mon département, dans ma région et même à
l'extérieur quand on m'y envoie ; ce qui ne m'empêche pas de continuer à
travailler pour préparer les épisodes législatifs à venir et en particulier
cette nouvelle loi sur les sociétés commerciales.
Le
travail qui me vaut d'être parmi vous ce matin est un travail commandé au début
de 1996 par le 1er Ministre Alain JUPPE et que j'ai effectué comme
parlementaire en mission. Ce n'est donc pas au sens juridique, au sens strict
un travail parlementaire, c'est un travail pour le compte du Gouvernement et
qui m'a permis de synthétiser en quelque sorte 10 ans, car il s'agit bien de 10
ans de rapports, de commissions, de contribution de Groupes d'étude formels,
informels, administratifs, professionnels et autres.
Je
dis 10 ans, car c'est une commodité ; j'avais observé que l'un des documents
les plus concrets, les plus intéressants, les plus tournés vers la pratique
était celui sorti au début de 1986, au moment ou le Garde des Sceaux qui allait
quitter ses fonctions pour cause d'alternance était encore Monsieur BADINTER.
Mais
durant toute cette période de 10 ans, tant les commissaires aux comptes que les
avocats, les notaires, la chancellerie, (l'administration des finances étant
restée assez discrète sur ces sujets), le CNPF, l'AFEP, l'organisation des
grandes entreprises privées, et bien d'autres ont contribué à cette réflexion sur le droit des sociétés.
Il
fallait donc tâcher de faire une synthèse de propositions, d'idées diverses qui
avaient fleuri dans ce domaine et c'est ce à quoi je me suis attelé, avec le
souci de beaucoup écouter et cette écoute étant relatée, si je puis dire, par
les auditions qui figurent en annexe de ce rapport.
Rapport
disponible à la Documentation Française, document public, document dans lequel
j'ai tâché de remettre un peu de cohérence dans tout ce vaste sujet, et aussi
de tracer des pistes, d'ouvrir des choix, d'ouvrir un débat technique , sachant
que les grandes options me semblent aujourd'hui pouvoir faire l'objet d'un
large consensus.
Alors
consensus sur quel point ? D'abord consensus sur le fait que la loi de 1966 a
vieilli sur un certain nombre de raisons ; inutile de s'attarder sur le
contexte économique, inutile de s'attarder sur la place beaucoup plus grande
prise par les marchés financiers, inutile de s'attarder sur l'exigence de
compétitivité qui a été fort bien rappelée par le Président JAFFRE.
Il
est clair que le contexte des exigences nationales à la fois micro économiques
et macro économiques et les exigences internationales ayant évolué, la loi de
1966 doit être révisée.
Cette
loi peut apparaître, si on la relit aujourd'hui, comme trop contraignante et
trop pointilliste. Je veux dire par là qu'elle règle toute chose dans le
détail, notamment dans l'organisation interne des sociétés, qu'il s'agisse du
moule habituel pour les PME, c'est-à-dire la SARL, qu'il s'agisse de la société
de capitaux sous sa forme la plus classique, la société anonyme elle - même
susceptible d'être gérée avec un Conseil d'Administration, un Président
Directeur Général ou d'être gérée avec d'un côté un Conseil de Surveillance et
de l'autre un Directoire.
Mais
en tout état de cause, la loi de 1966 est faite avec un grand souci du détail
et ce souci du détail est antinomique de la souplesse nécessaire pour s'adapter
aux besoins spécifiques de chaque entreprise.
Ce
pointillisme, ce souci d'uniformité a d'ailleurs été aggravé au fil du temps,
car même si l'on n'a pas révisé dans son ensemble la loi de 1966, il ne s'est
guère passé d'années que l'on n'y ait ajouté des choses. Qu'il s'agisse
d'instruments nouveaux, comme la société par actions simplifiée, comme l'URL,
comme différentes procédures concernant les défaillances d'entreprises, les entreprises en difficulté, loi de 1985,
loi de 1994.
Qu'il
s'agisse aussi, autre exemple, de la loi dite MADELIN de 1994 sur l'entreprise
individuelle ; tout cela est venu se greffer sur le vieux moule de la loi de
1966 sur les sociétés commerciales, avec le souci justifié de régler tel ou tel
sujet ponctuel. Mais cela a entraîné une perte de lisibilité de l'ensemble et
cette perte de lisibilité peut devenir un handicap pour les entreprises de
notre pays ; car nous avons besoin de présenter dans le panorama mondial un
ensemble cohérent, clair, lisible, de dispositions concernant l'environnement
juridique des entreprises , c'est-à-dire le
droit des sociétés commerciales.
D'autre
part nous avons vu progresser bien des normes, bien des règles qui contournent
ou qui entourent le droit des sociétés
commerciales. Mais elles le conditionnent, qu'il s'agisse par exemple des
règles fiscales : on a vu apparaître assez récemment l'intégration fiscale
comme système de droit commun pour toutes les sociétés contrôlées à plus de 95
%.
C'est une évolution qui est importante sur le
plan qualitatif et qui conduit à considérer la société ainsi très largement
contrôlée, comme une société ne disposant plus de sa pleine et totale
autonomie, bien qu'elle demeure une personne morale indépendante. Nous avons vu
également évoluer le droit comptable et cette évolution, loin d'être terminée,
a eu lieu au plan des normes ; elle a eu lieu également en ce qui concerne la
place respective du Groupe et de chacune des sociétés composantes.
Au
sujet des normes il est clair que nous avons toujours notre Plan Comptable
national; mais toute entreprise qui fait appel public à l'épargne sur différents
marchés à l'obligation de présenter ses comptes selon des règles susceptibles
de donner confiance aux investisseurs de ces différents marchés. Il est donc
nécessaire, c'est ce que l'on a vu s'opérer dans la pratique de se référer à
des normes internationales, ce qui c'est traduit par des présentations
bilancielles différentes, par des changements de méthode et il n'a pas toujours
été simple d'expliquer aux actionnaires et aux différents partenaires de
l'entreprise la place respective du Groupe et de la société individuelle.
Vous
savez bien, s'agissant du Groupe Elf Aquitaine, que les données économiques
significatives se situent dans les comptes consolidés, que la valeur de
l'action résulte d'anticipation qui porte sur le potentiel de résultat net
consolidé et vous savez fort bien que le résultat de la seule société mère est une donnée technique permettant de
servir un dividende et de rémunérer des frais de siège, des frais de Groupe,
des frais d'Etat-major, mais que ce n'est pas là que se trouvent les
informations susceptibles d'intéresser le marché, de fonder la valorisation du
titre et sa vie boursière.
Or
notre droit des sociétés est tel que
les comptes consolidés ne sont approuvés formellement par aucun organe social,
et que les dispositions qui sanctionnent les faux bilans ne s'appliquent qu'aux
comptes individuels et non pas aux comptes consolidés. Nous avons là un écart
entre la réalité économique et la réalité juridique.
Voilà
quelques motivations pour faire évoluer la loi de 1966 sur les sociétés
commerciales. A partir de ces motivations vous pouvez fort bien comprendre
quels sont les objectifs. Ils sont à mon avis de deux natures :
Le premier objectif est de favoriser
l'activité et l'emploi.
Le second objectif est
de favoriser la compétitivité internationale.
Favoriser l'activité et l'emploi, cela
doit être vrai quelle que soit l'importance économique de la société ; le droit des sociétés commerciales
doit, c'est toute la difficulté de l'exercice, appréhender toutes les
situations. C'est-à-dire qu'il doit se poser la question de savoir quelles sont
les conditions les plus propices pour faire émerger de nouvelles activités,
même s'il ne s'agit que de très petites entreprises, même s'il ne s'agit que
d'activités économiques qui donneront lieu à la création d'une personne morale
aussi simple soit-elle, mais qui n'est pas encore fondée.
J'insiste
sur cet aspect, car c'est un peu une différence d'approche par rapport à ce que
nous enseignait les professeurs de droit, par rapport au raisonnement que l'on
était habitué à entendre dans les facultés et dans les assemblées
parlementaires sur ce sujet. Et le fondement aujourd'hui du droit commercial, du droit des sociétés
commerciales, c'est bien l'entreprise, c'est bien l'activité économique.
Il
s'agit de la notion d'entreprise et non plus strictement d'un point de vue trop passif de personne
morale. Ce qui compte c'est de doter chaque projet économique qui lui convient
le mieux pour exprimer tout son potentiel. En partant de la très petite entreprise
de l'artisan du coin de la rue
pour aller jusqu'à Elf Aquitaine. Alors bien entendu ce souci de favoriser
l'activité doit tenir compte des situations rencontrées, c'est évident.
Il doit tenir compte du besoin de souplesse,
comment cela va-t-il se traduire concrètement, par une chose qui pour moi est
essentielle , qui me parait faire consensus et qui consiste sur bien des sujets
à réhabiliter le contrat par rapport à la loi, c'est-à-dire à étendre le champ
des dispositions statutaires par rapport au champ des dispositions d'ordre
public défini, de manière uniforme, régalienne pour tous ou en tous cas pour
tous ces patrons, ceux qui choisissent le même moule juridique.
Cette
prise de position, qui je crois n'est guère contestée, suppose sur le plan
mécanique ou le plan juridique toutes sortes de modification de la loi. Car il
faut faire le départ entre d'un côté les dispositions concerne le rôle des
responsabilités essentielles des organes sociaux, (c'est-à-dire ce qui définit,
ce qui fonde une société), et d'un autre côté tout ce qui peut varier selon les
décisions que prendront les fondateurs de la société et d'une façon plus
générale les auteurs des statuts.
Prenons
un exemple, la responsabilité du Conseil
d'Administration, c'est une matière légale, responsabilité globale,
responsabilité solidaire. Le point de savoir s'il est utile ou opportun qu'une
société anonyme de forme classique puisse prévoir, au moins pour des périodes
déterminées de sa vie, la dissociation des fonctions du Président du Conseil
d'Administration et les fonctions du Directeur Général, cet aspect particulier,
ce choix doit à mon avis être une souplesse ouverte aux sociétés.
Vous
savez qu'en milieu anglo-saxon ce choix existe et que l'on peut-être
simultanément Chairman et Chief Executive Officer, ou bien confier l'une et
l'autre fonction à deux personnes différentes. Certains, lorsque j'évoque ce
point, me disent :
-"
Cela existe dans la loi française avec le Président du Conseil de Surveillance et le Président du
Directoire".
Je
les arrête tout de suite pour leur rappeler que les fonctions et les
responsabilités sont de nature tout à fait différente ; qu'un Président du
Conseil de Surveillance n'a pas le droit de s'immiscer dans la gestion de la
société, et qu'un Président de Directoire a des compétences et
des responsabilités beaucoup plus larges que celles d'un Directeur Général
mandataire social d'une société anonyme de forme classique.
Donc
la loi définit la typologie des sociétés, elle définit les principales
articulations qui prévalent dans tel ou tel mode d'organisation, et ensuite, me
semble t-il, il faut laisser aux auteurs des statuts le soin de s'organiser au
mieux.
Un
autre exemple toujours lié à la notion de Conseil d'Administration : on peut avoir
convenance à organiser son Conseil d'Administration en demandant à certains
administrateurs de siéger dans des comités compétents. Qu'il s'agisse en
matière comptable de comités des comptes, de comités d'audit selon les
appellations. Qu'il s'agisse de comités
compétents en matière de gestion des ressources humaines, en particulier de
l'encadrement, ou de l'encadrement supérieur de comités des rémunérations.
Cela
fonctionne empiriquement et c'est permis à l'heure actuelle, mais dans un
certain flou juridique et il est souhaitable que la loi suive l'évolution des
moeurs, suive l'évolution de la pratique et qu'elle transcrive de manière aussi
souple que possible les recommandations en matière de Gouvernement d'entreprise, se trouvant dans le rapport VIENOT dont
vous connaissez l'existence.
Qu'est
ce que je veux dire par là ? - Ne rien
changer au rôle du conseil d'administration, ni à l'intégrité de ses pouvoirs
et de ses responsabilités, mais permettre à ceux qui le souhaitent de créer des
Comités des Comptes ou des Comités des Rémunérations, en précisant dans la loi
que ces comités ne doivent être composés que d'administrateurs, que ces comités
doivent préparer les décisions du Conseil d'Administration et ne pas se
substituer à celui-ci . Et que ces comités sont susceptibles, si on les créent,
de traiter de tel et tel sujet ; bien entendu
on renverra au statut le point de savoir si on crée ou non les comités
en question et si on les organise concrètement de telle ou telle manière à
l'intérieur du cadre suffisamment large ainsi défini.
.
Voilà
deux catégories d'exemples permettant sur la base du cadre particulier de la
société anonyme de forme classique et la société anonyme avec Conseil
d'Administration de bien voir ce que l'on entend par le champ de l'ordre public
d'un côté, et le champ contractuel de l'autre côté.
Alors bien sûr on peut décliner cette logique
dans bien des domaines et vous comprendrez que cette option, qui vise à définir
dans la vie un minimum de règles essentielles, suppose que l'on réécrive
beaucoup d'articles sur la loi des sociétés commerciales. Car certaines
sociétés vont souhaiter faire usage de ces souplesses, d'autres n'y auront pas
convenance.
Pour celles là, on maintiendrait dans
la loi des dispositions de caractère supplétif, c'est-à-dire qui ne s'appliquent que si les statuts n'en
disposent pas autrement. Vous voyez qu'une telle évolution dont j'ai cité des
exemples pour la société anonyme de forme classique, porterait également sur les autres formes sociales, notamment sur
les petites sociétés, sur les SARL.
Vous
voyez que c'est une évolution de nature à faire changer bien des comportements;
car il y a une grande différence entre créer une SARL avec des statuts types dans
lesquels on s'insère parce qu'il le faut, ceci pris comme une contrainte, et
créer une SARL en recherchant les modalités les plus propices dans la situation
précise ou l'on se trouve.
Quand
j'ai au début de mon travail évoqué ce type d'évolution avec différents
professionnels du Conseil, j'ai souvent entendu deux sons de cloche assez
divergents ; les uns disant : -"C'est très dangereux, il y aura moins de
sécurité, il y aura toute une variété de situation qui ne seront pas faciles à
appréhender par les tiers" et les
autres disant : -"C'est une chance tout à fait fantastique, nous conseil
juridique ou notaire allons voir s'ouvrir un champ absolument considérable pour
nos prestations et c'est un facteur de progrès pour l'esprit
d'entreprise".
Bien
entendu, il faut comme dans toute chose tâcher de trouver le juste équilibre
entre des préoccupations contradictoires. Le premier objectif est donc de
s'efforcer de coller à la réalité, plus de souplesse, plus de contractuel. Je
vais vous en donner un dernier exemple s'agissant non plus des très grands
Groupes, mais plutôt des petites entreprises.
Vous
savez fort bien que l'exigence de tel actionnaire pour faire une société
anonyme est absolument irrationnel. Vous savez fort bien que c'est pour des
raisons liées au statut fiscal et au poids des charges sociales que la plupart
des SARL ont des gérants minoritaires à moins de 35 %, qui en fait sont les
vrais patrons et qui ont autour d'eux des partenaires de pure forme, n'ayant
pas nécessairement conscience des responsabilités qu'ils exercent. Vous savez
qu'il y a dans le nombre considérable de sociétés anonymes existant en France
et dans beaucoup d'entre elles, un conseil d'administration qui ne fonctionne
que sur le papier, parce que ce sont les exigences légales.
Alors
pourquoi ne pas admettre que la société anonyme unipersonnelle, si cela paraît
justifié pour structurer un projet économique, sachant d'ailleurs que cela
existe déjà depuis un certain nombre d'années dans un certain nombre de pays
qui nous sont proches sans que cela ne pose de problèmes particulier. Pourquoi
ne pas admettre que jusqu'à un certain seuil d'importance économique, si une
entreprise est vraiment assimilée à la personne de son fondateur, de celui qui
prend les risques essentiels, il y ait confusion entre l'assemblée générale et
le conseil d'administration, chose qui aujourd'hui n'est pas possible en droit
français.
Voilà
quelques exemples parmi beaucoup d'autres concernant cet objectif de souplesse,
de contractualisation, plus de contrats mais moins de lois.
Second objectif vous disais-je, est de
favoriser la compétitivité internationale. En terme de compétitivité, nous
n'avons pas nécessairement à rougir, car nous avons une typologie des formes
sociales que l'on peut considérer comme bonne. Nous avons la SARL, nous avons
la société anonyme avec ses deux grandes formes d'organisation.
Nous
avons bien entendu les différentes formes de sociétés contractuelles ou
totalement contractuelles, les sociétés en nom collectif, les sociétés en
participation, les commandites simples ou par action, qui sont susceptibles
d'être organisées comme bon semble aux animateurs et aux fondateurs de la
société.
Je
crois que le droit français dispose d'une typologie claire, qui sur le plan
international semble être tout à fait satisfaisant. Par contre il y a un
certain nombre de choses auquel on peut réfléchir ; d'ailleurs si l'on regarde
à l'étranger, on peut observer que tout le monde évolue, et les Allemands que
l'on cite souvent en exemple, ont considérablement évolué en créant en 1994 ce
que l'on a appelé la petite société
anonyme.
Vous
savez qu'en Allemagne jusqu'en 1994, les sociétés anonymes, peu nombreuses en
nombre de sociétés, mais dominantes en terme d'importance économique, étaient
caractérisées par un certain modèle du consensus, par un fonctionnement
collégial du directoire, par une certaine culture d'entreprise et que toutes
les autres entreprises, en particulier tout le tissu de la PME, ou de l'entreprise
familiale, ou de l'entreprise patrimoniale, dont le poids est considérable en
Allemagne, est comparativement plus
fort qu'en France.
Tout
ce tissu se trouvait régi par l'équivalent de notre SARL - (MBH). C'est
d'ailleurs une différence très importante quand on regarde la structure des
sociétés en France et en Allemagne ; jusqu'à cette réforme en Allemagne en
terme de nombre de sociétés, les SARL étaient la règle et les sociétés anonymes
étaient l'exception.
En
France, c'est plutôt pas le contraire, mais c'est très différent, le rapport
numérique est très différent. Nous avons comparativement beaucoup plus de
sociétés anonymes que de SARL, pour une raison qui saute aux yeux, : le fait
que la société anonyme permet d'assurer plus de sécurité, permet surtout aux
dirigeants de bénéficier du statut de salarié ; alors que s'agissant des SARL, cette pratique ou cette règle du
gérant minoritaire est un facteur de distorsion de comportement.
Il
y a bien entendu beaucoup d'autres explications à cette situation, mais les
Allemands ont créé en 1994 une "petite société anonyme" qui est beaucoup plus contractuelle, qui
offre en termes capitalistiques et vis à vis des tiers les garanties de la
société anonyme ; elle ne fait aucune obligation d'associer le personnel et de
faire fonctionner le consensus à l'allemande dans toutes ces petites sociétés
anonymes. Beaucoup de SARL se sont transformées en "petites sociétés
anonymes" parce qu'elles en avaient économiquement besoin. De même beaucoup de nouvelles PME ont été
structurées de cette façon.
Donc
tout évolue ; en fait il y a un certain rapprochement des cultures qui s'opère
; et nous français si nous parlons de compétitivité, nous devons je crois
rechercher un point d'équilibre satisfaisant pour l'époque actuelle entre deux grandes familles de pensée :
a) - Celle d'origine
anglo-saxonne pour laquelle la dispersion du capital est la règle. Prenez
l'exemple de la Grande Bretagne : le nombre des sociétés cotées y est
comparativement beaucoup plus important que le nôtre. Quand vous regardez les
sociétés cotées, vous trouvez dans la quasi totalité des cas des sociétés dont
le capital n'est pas contrôlé, dont le capital est dispersé ; ce qui bien sûr
engendre des comportements différents et confère aux actionnaires beaucoup plus
de pouvoirs.
Vous savez aussi que dans ce modèle anglo-saxon la finalité de la
société, la finalité reconnue par le droit et par la pratique, est de produire
de la valeur pour les actionnaires ; c'est le principe de la "share
holder's value". Alors que dans les conceptions continentales qui sont des
conceptions que l'on qualifie d'institutionnelles, on considère que la société,
le pacte d'entreprise, doit prendre en compte notamment l'intérêt des
actionnaires, mais aussi bien d'autres choses
que l'on va regrouper dans une notion globale, une construction doctrinale et
française, mais assez proche de l'école
allemande, c'est la notion d'intérêt
social.
Vous
vous souvenez peut-être de la manière dont le rapport VIENOT définit l'intérêt
social, l'intérêt social dit-il :
"ce n'est ni l'intérêt des actionnaires, ni l'intérêt des salariés, ni
l'intérêt du management, ni l'intérêt des créanciers , c'est la somme de tous
ces intérêts et d'une autre chose qui est un élément incorporel, intellectuel
en quelque sorte"; donc la somme de tout cela c'est l'intérêt social que
doivent poursuivre les dirigeants de l'entreprise.
Alors
trouver le juste équilibre est assurément une nécessité si nous voulons être
compétitifs. Pour ne pas trop prolonger cet exposé général, je voudrais enfin
vous donner quelques exemples de cette
compétitivité.
Il
est des éléments de la palette juridique dont nous ne disposons pas, qu'il faut
ajouter à notre palette. J'en ai cité un : la
société anonyme unipersonnelle ; je peux en citer un autre la fiduci, comme moyen de confier les
intérêts à un tiers sans aliéner totalement ses intérêts, tout en lui confiant
une responsabilité de gestion extrêmement large. Ce concept, dont le droit
français à l'époque révolutionnaire n'a pas voulu, s'est développé sous
d'autres cieux ; ce concept est utile pour résoudre différents problèmes
particuliers, qu'il s'agisse d'apporter des sûretés, qu'il s'agisse de
faciliter des transmissions d'entreprises.
C'est un sujet assez technique, débattu depuis des années, sur
lequel un projet de loi existe, un projet de loi devenu caduque, (il avait été
déposé en 1992), il faudra reprendre ce sujet au moins partiellement, afin
qu'il fasse partie de notre palette juridique. Pourquoi dis-je cela? Parce que
les opérateurs, les créateurs de droit qui ont besoin de trouver une réponse à
des préoccupations susceptibles d'être satisfaites par la Fiduci, s'ils ne trouvent pas la dite Fiduci en droit français, ils vont la chercher ailleurs. Ils vont
la chercher sous forme de trusts anglo-saxons, sous forme de Fiduci Suisse, sous forme de détours de
procédure, ce qui naturellement n'est pas satisfaisant ; c'est un exemple mais
on pourrait en citer beaucoup d'autres, il faut compléter la palette.
Pour
être compétitif, il faut aussi inspirer confiance et, j'aborde là le domaine
des sociétés cotées, se hisser au standard international en terme
d'information des actionnaires, ce qui
veut dire définir dans la durée, dans la continuité les normes comptables
internationales devant s'appliquer. Il
y a en ce domaine un projet de loi que
j'ai déjà rapporté au Sénat, dont la marche a été interrompue par la
dissolution, mais qui doit reprendre son cours très prochainement. C'est
un texte d'apparence technique, mais
très important sur ce point concernant, ce que j'appellerai, les modalités de
francisation des normes internationales.
La
création d'un comité de la réglementation comptable, la réforme du Conseil
National de la Comptabilité, la mise en place de son comité d'urgence, tout
cela représente les conditions nécessaires pour la transparence comptable et
pour la bonne fluidité de l'information. Si l'on poursuit sur ce terrain, il
est clair que l'on doit accréditer l'idée que les entreprises françaises
cotées, les grandes entreprises ont au moins les bonnes habitudes de toutes les
autres.
Qu'est-ce-que
cela veut dire ? cela veut dire qu'il faut être plus exigeant en terme de cumul
des mandats. En effet la loi française définit un nombre maximal de mandats
d'administrateurs susceptibles d'être exercés par la même personne, mais la loi
française a oublié d'inclure dans ce nombre maximum les sièges que l'on occupe
comme représentant permanent d'une personne morale, ce qui revient à vider de
sens et de son contenu la limite légale. Il y a, je crois, un large consensus
sur ce point.
Les responsabilités d'administrateur doivent
être revalorisées. Le fait d'être un administrateur non exécutif ne participant
pas à la direction de l'entreprise ou du groupe, est d'une certaine manière un
métier qui doit être reconnu comme tel ; il doit être exercé avec tout le
sérieux nécessaire. Il y a d'ailleurs plus qu'un frémissement en France
actuellement dans les sociétés du CAC 40 ; on constate depuis peu que des
Présidents engagent des missions de recrutement d'administrateurs sur le plan
national ou sur le plan international. Les cabinets de recrutement d'ailleurs
ne s'y trompent pas, puisqu'ils considèrent qu'un champ d'activité important
s'ouvre pour eux, d'ailleurs à l'image de ce qui se pratique sous d'autres
cieux, où c'est d'ailleurs une part importante de leur chiffre d'affaire.
Il
faut donc sortir de la cohabitation, de l'endogamie, même s'il s'agit de
cohabitation de gens tout à fait excellents passé par les mêmes grands corps de
l'administration ; il faut avoir une ouverture beaucoup plus large sur toutes
les compétences nécessaires pour bien exercer les fonctions d'administrateurs.
Dans le même esprit il faudrait mettre en place s'il le faut des comités
spécialisés nécessaires lorsqu'ils permettent de bien objectiver les débats sur
l'information financière. Je parle spécialement du comité d'audit. Il est
arrivé souvent dans le passé que des commissaires aux comptes se sentent un peu
isolés, soient considéré par les directions d'entreprise comme des facteurs de
frais généraux et non pas comme une intervention professionnelle extérieure, un
contrôle externe indispensable pour établir la confiance sur la fiabilité de
l'information.
C'est
un facteur culturel qui évolue, a évolué, et qui doit encore évoluer dans les
entreprises françaises. Mais il est clair que la mise en place de comités
d'audit est un élément important pour objectiver les problèmes. Le commissaire
aux comptes est susceptible de soumettre ses propositions de programme de
travail : "Quelles sont les filiales que je vais aller vérifier ? Quelles
sont les zones de risques? Quels sont les comptes qui vont faire l'objet de mes
investigations au titre de l'année prochaine et de l'année suivante ?". Et
bien entendu ces choses là il faut en discuter en termes de stratégie ou en
terme de politique générale de l'entreprise.
Toujours
au stade de ce Gouvernement d'entreprise, il faut améliorer également le
fonctionnement des assemblées générales et cela me paraît être un enjeu
important. Dans mon rapport je donne quelques exemples de dysfonctionnement, en
particulier pour ce qui est de l'établissement de la liste des votants en
assemblée générale.
En
effet ces dispositions réglementaires, qui ne sont pas toutes de nature légale,
ne sont pas en France toujours suffisamment précises. Je citais dans mon
rapport des exemples qui résultent en
fait de l'observation des assemblées générales comme celle du Crédit Foncier de
France, qui défraya la chronique l'année dernière. J'évoquais aussi, de façon
volontairement un peu provocatrice le constat suivant : - en ce qui concerne la
diffusion de l'information dans certaines sociétés la direction de l'entreprise
s'arroge un réel privilège par rapport aux intérêts tiers représentés au
capital ; c'est un peu comme si le Maire sortant d'une commune était seul à
disposer de la liste électorale pour envoyer son bulletin de professions de
foi, et que ses challengers soient contraints de ne diffuser leur profession de
foi qu'à une fraction de cette liste électorale. -
Ce
n'est naturellement qu'une image ; et elle est certainement un peu excessive.
Mais l'exemple du Crédit Foncier de France et bien d'autres puisés dans la
réalité, montrent que nous avons bien des progrès à faire dans ce domaine, et
plus particulièrement en ce qui concerne le mode de votants en assemblée
générale : nous avons en effet une loi qui permet opportunément de donner globalement mandat au Président de la
société, qui permet également de voter par procuration par l'intermédiaire d'un
autre actionnaire, de voter aussi en
donnant procuration à son conjoint., s'il est actionnaire.
Mais
nos règles de vote s'arrêtent là. A mon avis il manque deux choses, si l'on
voulait compléter et bien équilibrer le système. Je pense qu'il faut valoriser
et renforcer le rôle des
associations d'actionnaires qui sont des contre-pouvoirs
utiles. Je ne le dis pas pour faire plaisir au Président MASSIE et parce que je
suis invité par l'AVAS, mais je l'ai dit en bien d'autres endroits et
circonstances : les associations d'actionnaires doivent être dotées de droits
collectifs.
Savez-vous
qu'une association d'actionnaire ne peut aujourd'hui, si elle vient à aller en
justice, que défendre ses intérêts propres en tant que personne morale ? Elle
ne peut pas défendre les intérêts de ses membres. Or on peut imaginer que dans
des contentieux boursiers, lorsqu'il s'agit de contester une parité, ou
d'intervenir dans une procédure à propos d'une fusion, à propos d'une offre
publique, il soit utile que les actionnaires minoritaires puissent
collectivement faire valoir leurs droits.
Ce n'est possible en France que de façon très
limitative à l'heure actuelle et dans le cadre de ce que l'on appelle les associations d'investisseurs par
opposition aux associations d'actionnaires. Ces associations d'investisseurs
sont agréées selon les règles du droit de la consommation ; elles doivent avoir
fait la preuve de leur action et de leur représentativité dans un certain
nombre d'entreprises. Mais les associations d'actionnaires, dont l'objet est de
réunir des détenteurs de titres d'une entreprise déterminée, ne peuvent pas
prétendre à un tel agrément.
Alors je crois qu'il
serait assez raisonnable que l'on puisse reconnaître des droits supplémentaires
à ces associations d'actionnaires pour la défense collective de leurs membres
et également dans l'exercice du droit de vote pour le compte des actionnaires
de la société qui souhaiteraient donner procuration à une telle association ; à
condition bien entendu que celle-ci soit sérieuse, qu'elle offre toute garantie
de bonne moralité et qu'elle ne soit pas une officine de chantage
professionnel.
Voilà
Monsieur le Président un certain nombre de considérations. Je pense que l'heure
s'avance et que j'ai déjà été un peu plus long que prévu. Je suis loin d'avoir
traité tout le sujet. Je voulais partant de l'amorce que nous a donné le
Président Philippe JAFFRE et en réagissant à ses propos, vous dire surtout
selon quelle logique ce nouveau texte de loi se prépare.
Je terminerai en vous disant à quel stade il en est.
La Chancellerie avait préparé un
avant-projet, lorsque la dissolution est intervenue. Cet avant-projet était mur
pour être soumis à l'avis du Conseil d'Etat ; il aurait été approuvé rapidement
par le Conseil des Ministres et déposé sur le Bureau des deux Assemblées ; dans
un premier temps sur le bureau du Sénat. La dissolution nous offre en vérité
plus de liberté pour l'avenir à condition, et c'est une autre affaire, que tout
aille bien naturellement.
Mais
on peut imaginer qu'un tel texte, un texte fondamental, et de réforme
structurelle. soit plus cohérent, plus global, plus ambitieux s'il est pris par
une nouvelle législature, plutôt que par une législature finissante qui risquait
de se concentrer sur tel ou tel sujet accessoire, de peur de faire grief à
telle ou telle catégorie plus ou moins importante économiquement, mais
susceptible de donner de la voix.
Il
est donc préférable que l'on prenne un tel chantier de façon méthodique en
début de législature. Je pense qu'il s'agit de l'un des premiers textes qui
dans la première année de la législature vivront de leur vie ; sachant, c'est mon tout dernier mot, que la mise au
point d'une nouvelle loi sur les sociétés commerciales est un travail long,
ardu et complexe, que l'avant projet sorti de la chancellerie comporte presque 300 articles, que beaucoup
sont à modifier et à réécrire.
Il
y a certainement bien des ajouts qui seront faits lors du débat parlementaire.
Dans ces matières le Parlement
traditionnellement est très actif ; des ajouts interviennent très
substantiellement dans les deux assemblées ; les commissions de Loi et les commissions des Finances seront très
présentes et très actives dans ce débat.
On
peut donc considérer que ce débat, si les choses sont menées vraiment tambour
battant, demandera une pleine année. Mais s'il y a beaucoup de textes de toute
nature à faire passer dans l'intervalle, (ce qui manifestement sera le cas),
cela nécessitera alors deux années. Ce n'est pas du tout une chose anormale par
rapport au passé, notamment par rapport au temps qui a été nécessaire, il y a
plus de trente ans, pour mettre au point la loi de juillet 1966 sur les
sociétés commerciales.
Monsieur
le Président, Mesdames et Messieurs voilà les principales orientations que je
souhaitais vous exposer, en m'excusant d'avoir été un peu long.
J.A. MASSIE
Monsieur
le Sénateur vous nous avez annoncé une bonne nouvelle puisque cela fait partie
du processus d'officialisation du rôle de ces associations d'actionnaires
salariés.
Le
texte de loi GIRAUD à la suite du rapport GODFRAIN a officialisé l'existence
des associations d'actionnaires salariés. Maintenant il fallait franchir une
nouvelle étape, : l'officialisation du rôle de ces associations d'actionnaires
; et là vous nous avez annoncé une très bonne nouvelle. Nous nous réjouissons
avec les Présidents d'association qui sont présents. Il reste 400 jours jusqu'à
la mise en place de l'Euro ; donc si la prochaine législature engage le processus
on rentrera juste dans l'intervalle de temps. Lorsque l'Euro sera mis en place,
il se pourrait que des directives puissent freiner la mise en place de ces
nouvelles dispositions. Nous avons été à Bruxelles récemment, à la DG 15 et à
la DG 5 avec Monsieur Joseph WERNER (qui est là) de l'association des
actionnaires salariés de la Banque Bruxelles Lambert. Nous allons essayer de
peser sur certaines directives. Nous organiserons un colloque l'année prochaine
pour lancer la Fédération Européenne des Actionnaires Salariés. Mais ce que
vous nous dites aujourd'hui, Monsieur le Sénateur, nous réconforte beaucoup, et
montre qu'en France nous sommes très en avance par rapport à ce qui se fait
dans d'autres pays européens.
Quelqu'un
veut-il poser une question ?...
G. ROUSSEAU Société
Générale, Président de la FAS
Monsieur
le Sénateur. J'ai été très heureux de vous entendre et je voudrais vous
remercier pour votre contribution à l'évolution du droit des sociétés et en particulier,
dans le domaine de l'actionnariat, pour renforcer la clarté des assemblées et
la représentativité de nos associations.
J'ai
eu beaucoup de plaisir à vous entendre exposer les subtilités entre le droit
anglais et le droit français. Le droit anglais a effectivement cet objectif de
valorisation du capital au plan mondial, alors qu' en France le management à
une vision d'entreprise qui, dans ce que vous appelez la raison sociale de
l'entreprise, est assez proche finalement, la raison sociale d'entreprise que
la Direction en place. Je n'en dirais pas plus.
Très
sincèrement merci pour ce que vous faites, j'espère que nous aurons là une loi
MARINI dont on parlera longtemps. J'ai eu le plaisir d'entendre notre Premier
Ministre hier soir, je l'ai trouvé d'ailleurs détendu, souriant.
Dans ses propos j'ai relevé deux choses : il
a dit que les français souhaitaient plus de participation, plus de clarté ; il
a dit également que les français souhaitaient bénéficier de l'évolution de la
profitabilité de leur entreprise. Je crois qu'il a parlé en fait de la
participation, et de ce que nous cherchons, associations d'actionnaires
salariés, à mettre en place, à développer et à privilégier.
Je sais que c'est difficile parce que nous
sommes en France, dans un monde très légaliste où les gens ont besoin de se
raccrocher à des statuts, où ils ont besoin
de dispositions leur permettant d'oeuvrer et de manifester.
On
a besoin en France d'interlocuteurs, même si ces interlocuteurs ne sont pas
très représentatifs - Nous savons tous aujourd'hui que les syndicats n'ont pas
un taux de représentation très important - Ils sont néanmoins représentatifs ;
leur existence est nécessaire, car ce sont des partenaires essentiels au
dialogue.
Reconnaissons tout de même qu'un effort reste
à faire en France au niveau des associations d'actionnaires. Ces associations
se donnent du mal pour fonctionner, pour communiquer, pour participer ; mais
très sincèrement et très franchement elles ont beaucoup de mal à fonctionner,
parce que si on veut que ces associations d'actionnaires soient vraiment
représentatives, il faut qu'elles soient animées par des actifs. Il ne faut pas
que ce soit en majorité des associations animées par des retraités, qui au fil
des ans perdent peu plus le contact avec
l'entreprise.
Or
aujourd'hui le animateurs de ces associations, s'ils sont des actifs, n'ont pas
de statut, ne disposent pas officiellement de temps pour fonctionner ; ils sont
donc confrontées à cette difficulté existentielle qui consiste à concilier
leurs exigences professionnelles, les contraintes lourdes qui pèsent sur eux,
et la volonté de participer, la volonté d'être présent , d'aller à Strasbourg,
d'aller ailleurs, de se déplacer. Effectivement je fais cette modique et très
humble demande : veuillez tenir compte de cette situation, parce que sans
statut, sans disposer d'un
petit peu de temps, le Président de la Fédération ou d'une association
ne peut intervenir, participer. Il doit en permanence être en porte à faux par
rapport à son travail ou par rapport à son emploi du temps. Je crois qu'il
serait important de remédier à cela. J'ai très conscience que ça n'est pas
facile, parcequ'il y a en France énormément d'associations ; aussi je pense que
vous mieux que personne pouvez apporter
un peu de clarté sur ce sujet et lui donner une évolution positive.
Donc
je vous remercie de bien vouloir regarder dans quelle mesure il serait possible
de faire quelque chose, pour nous
permettre de fonctionner.
Sénateur MARINI
C'est
effectivement un point dont il faudra débattre, qu'il faudra approfondir. On
pourrait à certains égards se demander si une fonction, à condition qu'elle
soit exercée par un salarié actif, de direction d'une association
représentative d'actionnaires salariés, ne devrait pas être assimilable à un
mandat de représentation du personnel, et bénéficier d'un crédit d'heures de
telle sorte que l'indépendance de ce dirigeant d'association soit garantie.
Par
tempérament je ne suis pas inflationniste en ce domaine, mais je crois qu'il
faut sérieusement se poser la question, si l'on veut aller encore plus dans le
sens de l'actionnariat des salariés, qui est une bonne chose.
Evidemment,
l'actionnariat des salariés, il faut bien s'entendre sur ce point, c'est
d'abord un investissement financier ; il traduit l'attachement à l'entreprise,
il peut être le résultat d'une gestion performante et d'objectifs remplis par
le salarié ; il peut être notamment le résultat de plan de stock-options, ou
bien on peut décider de conserver ces titres de ne pas les vendre si l'on croit
à l'entreprise etc...
Mais
j'insiste bien sur le fait que l'actionnariat des salariés, c'est d'abord un
investissement. C'est un investissement et l'association n'est pas une annexe
du contrat de travail. Et les actifs en question, il faut y veiller, comme l'on
veillerait à n'importe quelle autre partie de son patrimoine ; donc les dirigeants
de l'association sont là pour veiller à ce patrimoine et cela nécessite qu'ils
soient représentatifs, qu'ils puissent s'entourer des avis nécessaires pour
être en mesure de maîtriser des questions techniquement très complexes. Mais
cela nécessite qu'ils soient indépendants, indépendants de leur employeur, et
puisque l'on joue le jeu de cette indépendance, il faut qu'à certains égards
elle soit garantie.
J.A. MASSIE
M.
MASSIE présente Monsieur DELANNOY
Président de l'association des salariés de BULL.
BULL
a un salarié administrateur de la société grâce à l'attitude bienveillante et
dynamique de leur Président Monsieur
DES CARPENTRIES.
M. DELANNOY
Oui
je suis un élu qui n'a pas été choisi par la direction, mais élu
démocratiquement dans 16 pays, ce qui est important vu ce qui se passe
actuellement, comme vous l'avez relevé
dans la presse.
Je
voulais vous remercier de votre réponse car j'approuve totalement ce que disait
Georges ROUSSEAU ; c'est pour cette
raison que j'ai adhéré aussi à la FAS. Je ne parle pas d'intéressement, mais je
parle bien de l'actionnariat salarié qui est un investissement dans
l'entreprise. Un actionnaire salarié est un entrepreneur dans l'entreprise.
C'est un investissement, c'est vrai vous avez raison et à ce titre il doit
pouvoir défendre son investissement, il doit pouvoir se faire écouter, il doit
avoir un statut officiel dans l'entreprise.
Aujourd'hui les associations qui existent se
battent pour se faire entendre ; dans certaines entreprises il n'est pas possible
à une association de s'exprimer, de faire connaître son existence, de faire des
réunions parce que la direction estime que ce genre d'association n'a pas
d'existence légale. Pour ma part, je n'ai pas eu trop de problèmes à me faire
admettre, sauf vis à vis de certains syndicats.
Je
pense que le premier pas à franchir est celui de faire reconnaître ce droit des
associations d'actionnaires salariés, - des salariés qui investissent dans leur
entreprise -, d'exister et de pouvoir communiquer. J'aimerais bien que cela
puisse également apparaître dans votre texte de loi.
Sénateur MARINI
La
question est de savoir si ce problème ne peut pas être traité au niveau des
associations d'actionnaires : si les associations d'actionnaires bénéficient
d'un statut légal élargi et si elles sont en mesure d'exercer des droits
collectifs. Bien entendu, une association d'actionnaire pourra être
essentiellement composée de salariés, il suffira pour qu'elle soit agréée que
l'on constate qu'elle est suffisamment représentative et que ses dirigeants
sont des gens honorables.
Alors
je m'interroge encore sur ce point. Je me demande s'il faut faire un sort
spécifique aux actionnaires salariés par rapport à la généralité des
actionnaires individuels si vous voulez, parce qu'après tout il est tout à fait
concevable que dans une société il y ait plusieurs associations d'actionnaires.
Cela existe, regardez Eurotunnel, il y a plusieurs associations. Il peut y
avoir des associations d'actionnaires qui ont plus que d'autres la sensibilité
des salariés. Mais je crois qu'il faut réfléchir à cette question et se
demander si l'on n'affaiblirait pas la situation des salariés en les plaçant
dans un statut juridique qui soit limitatif et qui ne soit destiné qu'à eux
seuls. La question reste ouverte.
G. ROUSSEAU
On
a ce type de réflexion à la Fédération
puisque l'une des associations qui va nous rejoindre , celle des AGF, est une
association ouverte aux actionnaires extérieurs à l'entreprise. Ce que vous
dites correspond effectivement à l'un de nos axes de réflexion. Je voudrais
simplement vous préciser que l'association que j'anime, l'association des
actionnaires salariés de la Société Générale est à ma connaissance, l'une des rares
associations d'actionnaires agréée en France. Après trois ans d'existence nous
avons obtenu 1000 adhérents, une activité reconnue. En effet une enquête de
moralité a bien été faite sur ses dirigeants.
Nous
avons obtenu l'agrément des différents ministères, ce qui nous donne droit
d'ester en justice. Ceci est bien le problème, il faut avoir le temps de s'en
occuper. Je suis Président de la Fédération et sincèrement compte tenu de mon
activité professionnelle, je vous assure j'enrage de ne pouvoir mieux participer.
Je suis invité, j'ai des journalistes qui m'appellent deux trois fois par
semaine, c'est pris sur mon temps de travail. J'en souffre et je crois
sincèrement que l'apport que l'on peut faire avec tous les amis ici présents
qui s'impliquent dans le domaine de la participation, se trouve limitée et
tronquée par la non disponibilité des gens de bonne volonté. Ils pourraient se
décourager si rien ne se passait.
On
a fait un grand pas, je l'ai dit à l'occasion du colloque que nous avions tenu
au Sénat, on a fait un grand pas dans ce domaine, c'est vrai, mais il faut
qu'on aille plus loin parce que l'on
bute là sur des difficultés et sur des
impossibilités.
J.A. MASSIE
Je
pense aussi qu'il faut qu'on obtienne un budget du Ministère du Travail, nous
l'avons demandé pour pouvoir continuer des études sur le poids de cet
actionnariat. Donc là aussi il y a un problème de moyens financiers.
Je
te signale Georges que lorsqu'à deux reprises je suis allé à Bruxelles pour des
démarches auprès du Parlement Européen, ça a été à mes frais. Donc la
disponibilité, mais aussi un budget pour fonctionner ; car nous avons fait un
très gros travail à Bruxelles. Je voudrais passer la parole à Joseph WERNER qui
représente l'association Bruxelles Lambert.
J. WERNER
Merci
pour votre invitation. Ce que vous avez dit Monsieur le Sénateur nous intéresse
au plus haut point. Actuellement comme vous l'avez dit la France a une énorme
avance sur d'autres pays dans ces projets, et la Belgique est en train de
suivre. Elle met au point actuellement un projet, suite à une recommandation
européenne, pour organiser sous une forme de coopérative la promotion de l'investissement du salarié
dans son entreprise.
Ce projet est tout à fait récent, nous le
suivons avec beaucoup d'attention et nous sommes en contact avec les cabinets
ministériels qui le mettent au point. Nous constatons que ce sera un plaisir de
leur offrir votre étude, car ils en ont bien besoin pour finaliser ce projet,
qui à notre avis comporte beaucoup de lacunes.
En
ce qui concerne le problème des associations d'actionnaires salariés, nous
avons été l'un des pionniers en Belgique, c'est-à-dire un des pionniers du fait que notre association
est née dans des conditions très mouvementées, dans la deuxième banque belge,
victime en 1992 d'un prédateur
hollandais, le Groupe ING.
Suite
à cette tentative d'OPA, le personnel salarié s'est organisé avec une
représentation de plus ou moins 8 % du capital et il a résisté. Il a constitué
un ancrage dans l'entreprise et il a résisté avec succès à cette tentative
d'OPA. C'est une première en Belgique et nous somme heureux d'avoir rencontré
ici en France une écoute. Nous nous instruisons tous les jours quand nous
venons à Paris ou l'on constate avec grand plaisir que tous ces projets se
mettent en place beaucoup plus vite que dans notre pays.
Sénateur MARINI
Très
bien, je vais si vous le voulez bien rester en contact avec vous, avec les
Présidents et les animateurs des associations. Je suis sûr que lors de l'examen
parlementaire de la loi, nous aurons à traiter de ces points particuliers, et
bien entendu je m'engage tout à fait à rester à votre écoute et à tâcher de
trouver les modalités techniques qui iront dans le sens de vos préoccupations.
J.A. MASSIE
Je
vois Monsieur DUTFOY du Crédit Lyonnais qui pour l'instant est très occupé avec
la privatisation du Crédit Lyonnais que l'on vient d'annoncer.
V. DUTFOY
Merci
Monsieur le Sénateur pour tout ce que vous avez dit et Monsieur MASSIE de nous
avoir invité à cette réunion.
Monsieur
le Sénateur je voudrais revenir un peu sur une de vos déclarations de tout à
l'heure. A savoir sur la responsabilité des administrateurs membres du conseil
d'administration. Président de l'association des actionnaires salariés du Crédit
Lyonnais, nous nous sommes beaucoup interrogés sur la responsabilité des
administrateurs dans la déconfiture de notre établissement.
Mais nous sommes très surpris de voir que,
comment dirais-je, la composition du conseil d'administration actuel entériné
par l'Etat a notamment un grand client de l'entreprise qui siège au conseil
d'administration. Est-ce qu'il n'y a pas là un dévoiement dans la
responsabilité des administrateurs et peuvent-ils effectivement assumer leur
rôle d'administrateur dans l'entreprise !....
Sénateur MARINI
C'est
une excellente question, je crois que chacun peut constater que le système des
conseil d'administration du secteur public en France est un système tout à fait
défaillant.
D'ailleurs vous avez vu que le Ministre Jean
ARTHUIS à mon avis le premier à tâcher
de traiter sur le fond ce sujet, vient d'annoncer une réforme des
structures de l'Etat actionnaire, une réforme de la direction du Trésor et une
mise en place d'un conseil formé de personnalités d'expérience ayant vécu la
vie des affaires, susceptibles d'être auprès du Trésor les conseils de celui-ci
pour examiner les questions de stratégie d'entreprise, pour coordonner auprès
du Ministre de la Direction du Trésor ce rôle d'Etat actionnaire.
Vous
avez vu également qu'il a été prévu de changer les modes de désignation des
administrateurs représentant l'Etat, tout cela va évidemment dans le bon sens.
C'est un peu lent à mettre en place,
mais c'est la première fois, il y a quinze jours, qu'un plan crédible et
cohérent a été sorti. C'est donc un pas et je pense que ce plan va se mettre en
place rapidement.
Pour ma part, j'avais proposé dans
mon rapport, sans en faire une idée devant être appliquée de manière uniforme,
qu'il y avait une bonne structure juridique pour certaines au moins des
sociétés du secteur public : c'est le conseil de surveillance et de directoire,
car la position des représentants des administrations est certainement moins
fausse dans un conseil des surveillance et d'autre part le directoire a une responsabilité
collégiale.
Or,
si l'on peut faire beaucoup de reproches au conseil d'administration du secteur
public, on peut aussi en faire au système unipersonnel ou monarchique de
gestion des entreprises publiques, sans contre poids, sans contre pouvoir, pour
le meilleur ou pour le pire.
Bien-sur
à mes yeux la bonne solution à terme partout où s'est possible, c'est de
diminuer le secteur public par passage à l'économie de marché du maximum
d'entreprises ; mais il n'en reste pas moins qu'il y a des entreprises en
situation transitoire ou des entreprises non privatisables. Il y aura peut-être
de nouvelles entreprises résultant de la transformation d'établissements
publics ou de services venus de l'Etat, donc ce problème des administrateurs
d'Etat va perdurer, même si le secteur public se réduit et il faut appliquer
avec beaucoup d'exigence la réforme ARTHUIS et il faut tourner le dos à des
pratiques déresponsabilisantes et des pratiques tout à fait catastrophiques. De
même que lorsque l'on a appris l'endogamie, le passage des fonctionnaires qui
exercent la surveillance et le contrôle d'un secteur à la tête ou dans le
management des entreprises publiques du secteur qu'ils contrôlaient.
Il
y a une jurisprudence BEAUFRET qui à mon avis est une bonne jurisprudence et je
pense qu'il va falloir appliquer cela avec beaucoup de rigueur.
V. DUTFOY
Je
voudrais juste Monsieur le sénateur rebondir un peu sur une dernière
déclaration récente de Monsieur BOROTRA qui nous a dit tout simplement :"
- Ecoutez, lorsque l'on est pas responsable et qu'on est aux commandes d'un
appareil, l'on ne fait que des sottises". Donc on lui avait proposé
justement au lieu de nommer des représentants du Trésor qui n'ont pas fait leur
travail, notamment au conseil d'administration du Crédit Lyonnais, de puiser
dans les associations d'actionnaires salariés justement pour avoir des gens
compétents.
J.A. MASSIE
Je
pense que lors de la prochaine
législature nous viendrons vous voir, nous vous présenterons nos propositions
afin de faire un peu d'ingénierie parlementaire. Je vous rappelle que dans la
mention pouvoir à une personne dénommée,
nous avons inscrit notre association. Mais oublions cela pour le moment ; il
faudrait pouvoir mettre dans le texte envoyé par la banque : " à un conjoint, la
mention à un conjoint... à un tiers ou à votre association d'actionnaires
", sans préciser " à votre association d'actionnaires salariés
" pour resppecter l'égalité dans le choix entre l'association
d'actionnaire du grand public, ou l'association d'actionnaires salariés et
retraités, ou encore un groupe d'actionnaires minoritaires qu'elle soit
salariée ou un groupe de minoritaire.
Il
faudrait, nous l'avons dit au sénateur CHERIOUX, adopter cette disposition pour
mobiliser les gens, pour qu'ils s'expriment à l'assemblée au lieu de jeter
leurs formulaires.
Voilà
c'était le dernier point Monsieur le Sénateur. On vous a pris beaucoup de
temps, merci beaucoup et nous souhaitons vous rencontrer dans la prochaine
législature. Nous avons beaucoup apprécié votre venue dans cette maison et
votre conférence.
* *
*